Albert John Lutuli ou Luthuli, "Mvumbi" en zoulou, (1898, 21 juillet, 1967) était un homme politique noir d'Afrique du Sud, président du Congrès National Africain (ANC) de 1951 à 1958.
Premier sud-africain à recevoir un prix Nobel, Aujourdhui moins connu que Nelson Mandela, Luthuli fut président de lANC (African National Congress) de 1952 à 1967 et Prix Nobel de la paix en 1960.
Son grand père est le chef dune petite communauté zoulou à Groutville, dans la région du Natal en Afrique du Sud. Le père de Lutuli, John Bunuan Lutuli, sera un missionnaire chrétien qui passera une partie de sa vie dans la province du Matabélé en Rhodésie du Sud où il sera rejoint par sa femme ; son troisième fils, prénommé Albert John, est né en Rhodésie. En 1906 Mtonya Gumede, la mère, et Albert John résident à Groutville où elle est retournée à la mort de son mari.
Soutenu par sa mère qui est déterminée à ce que son fils reçoive une éducation, Albert John étudie dans différentes écoles missionnaires. En 1917, il achève sa formation denseignant. Après avoir travaillé deux ans dans une école, Lutuli complète sa formation (toujours dans lenseignement) à lAdams College(où il enseignera par la suite). Pendant les dix neuf années qui vont suivre, Lutuli sera enseignant. A cette époque et plus tard, sa conviction est que léducation devrait être dispensée à tous et que la qualité déducation reçue par les élèves blancs sud-africains devrait être la même pour tous. En 1928, Lutuli est secrétaire de lassociation des enseignants africains, puis en devient le président en 1933.
Entre temps, en 1927, il sest marié avec Nokhukanya Bengu, une enseignante comme lui et leur résidence permanente est située à Groutville. En 1933, les anciens de la communauté zoulou dont il est originaire (forte de 5000 personnes) lui demandent den devenir le chef. Lutuli hésite pendant deux ans car il est réticent à abandonner son métier denseignant. Il accepte finalement et pendant les dix sept années suivantes, il va se consacrer à sa fonction, en étant le représentant de sa communauté auprès du gouvernement central, en présidant les cérémonies traditionnelles, en recherchant de meilleures conditions de vie pour son peuple. Alors que les mesures dApartheid prises par le gouvernement sud africain devenaient de plus en plus restrictives pour les non-blancs dAfrique du Sud [ En 1948, les mesures dits dapartheid ont officiellement instauré un développement séparé entre blancs et noirs, en 1950 les "pass laws" restreignant la liberté de mouvement pour les noirs sont renforcées], Lutuli sengage de plus en plus, non plus seulement en faveur de sa communauté zoulou, mais en faveur de tous les noirs et finalement de tous les sud-africains victimes de linjustice de la ségrégation instaurée par lapartheid.En 1944, Albert Luthuli rejoint lANC (African National Congress), un mouvement politique revendiquant légalité pour tous les citoyens. En 1945 il est membre de la section de lANC pour la province du Natal. En 1951 il devient président de cette section. Lannée suivante, en 1952, Lutuli rejoint les autres leaders de lANC dans des campagnes non violentes afin de protester contre lapartheid. Le gouvernement, arguant dun conflit dintérêt en profite pour lui demander de choisir entre ses fonctions de membre de lANC et de chef élu (et payé par le gouvernement) représentant sa tribu. Refusant de choisir entre les deux, il est démis de ses fonctions de chef élu par le gouvernement de Pretoria. Cependant, il est élu président de lANC un mois plus tard (toujours en 1952 et le restera jusquà sa mort en 1967). Le gouvernement sud-africain réagit immédiatement et cherche à minimiser limpact de Lutuli en tant que leader en lui interdisant de prendre la parole au cours de tout rassemblement public pendant deux ans.
Dès la fin des deux années de sanction prononcées à son encontre par le gouvernement sud-africain, Lutuli se rend à Johannesburg afin dy prononcer un discours, mais le gouvernement sud africain len empêche en lui interdisant pour deux nouvelles années de prendre la parole en public et en lassignant à résidence surveillée dans un rayon de 30 km autour de chez lui. Lors de lexpiration de cette deuxième sanction, il assiste à la conférence de lANC en 1956, et est arrêté quelques mois plus tard (ainsi que 155 autres personnes : 105 africains, 21 indiens, 23 blancs et 7 métis ; presque toute la direction nationale de lANC se trouvait dans le groupe) pour haute trahison. Le procès commence en janvier 1957.Il est finalement relâché et innocenté en décembre 1957 (de même que 64 autres personnes ).
Il reprend ses activités en 1958, mais tombe à nouveau sous le coup dune troisième sanction émise par le gouvernement sud-africain : 5 ans dinterdiction de publication sous quelque forme que ce soit et assignation à résidence surveillée dans un rayon de 20 km de son domicile. Linterdiction est momentanément levée pour lui permettre de témoigner au cours du procès pour trahison (qui sachève en mars 1961 par un non lieu pour lANC qui était accusée dêtre une organisation pro-communiste essayant de renverser le gouvernement par des moyens violents).
Il est également autorisé à se déplacer lorsquil veut aller brûler son "pass" en soutien aux personnes tuées lors du massacre de Sharpeville, manifestation de protestation contre les "pass" instaurés par le gouvernement pro-apartheid. Lautorisation nest donnée que parce que le gouvernement projette de larrêter en flagrant délit. Lutuli est effectivement arrêté, reçoit une amende et une peine de prison qui nest finalement pas appliquée du fait de sa santé fragile, mais retourne en résidence surveillée à Groutville. Une dernière fois, en 1961, lassignation à résidence est levée pour 10 jours en décembre 1961, afin que Lutuli puisse aller recevoir le prix Nobel de la paix qui lui a été décerné en 1960.
En mai 1964, une quatrième assignation à résidence valable pour une durée de 5 ans est émise par le gouvernement sud-africain, un jour avant lexpiration du troisième. Cependant Lutuli reste présent dans la mémoire collective de ses contemporains : le syndicat des étudiants sud-africains le nomme président dhonneur, les étudiants de luniversité de Glasgow en Ecosse lélisent comme recteur (mais il nest pas autorisé à quitter lAfrique du Sud pour prendre part à la cérémonie dinvestiture), le conseil protestant de la ville de New-York lui décerne une récompense... Malgré linterdiction qui lui a été faite de publier sous quelque forme que ce soit, son autobiographie intitulée let my people go et publiée en 1962 circule et son nom figure sur les pétitions en faveur de la défense des droits de lhomme envoyées aux Nations-Unies. Quelques quinze années avant sa mort, Lutuli souffrait de tension artérielle et son ouie ainsi que sa vue avaient été altérés. Cest ce qui a peut-être causé sa mort tragique le 21 juillet 1967 . Il fut blessé mortellement par un train quil navait pas entendu arriver alors quil marchait le long du "trestle bridge" qui traversait la rivière Umvoti située à quelques kilomètres de chez lui. Cependant, certains commentateurs de lépoque trouvèrent laccident hautement suspect.